Gloire Aux Microbes

Si 42 est la réponse, quelle est la question ?

Les microbes peuvent peut-être nous donner des indices car ils détiennent les plus grands secrets du monde vivant. Retracer leur histoire, c’est reconstituer l’énigme de la vie et reconnaître qu’ils sont à l’origine de presque tous les phénomènes qui président au vivant et à l’habitabilité de la Terre.

Comment rendre compte des pouvoirs innombrables qu’ils prodiguent ?

La NASA avait tenté l’expérience de résumer la connaissance humaine sur un disque d’or envoyé dans l’espace avec l’espoir que d’éventuels extraterrestres déchiffrent les hiéroglyphes gravés à sa surface et s’inclinent devant notre intelligence. Si nous devions condenser l’histoire de la vie, peut-être faudrait-il se concentrer sur les microbes qui tissent dans les grandes lignes l’essentiel de l’Odyssée du vivant.

Voici donc le codex microbien. Une sorte de grimoire où sont encryptées et consignées de manière synthétique les formules magiques dont les microbes usent depuis la nuit des temps pour façonner le monde, les paysages, les climats, ainsi que les êtres vivants, qu’ils sculptent, protègent, et dont ils régissent les interdépendances. Ce dessin offre une synthèse visuelle de tous les phénomènes que les microbes ont inventés et qui régentent les fonctions physiologiques, métaboliques, chimiques et climatiques. C’est aussi une carte poétique pour s’orienter dans les abîmes microscopiques où tout commence et où tout recommence, comme dans un cycle perpétuel. La partition du vivant se déploie avec ses croches et ses rondes alignées sur les portées circulaires. Le rythme offre une danse endiablée emmenée par les microbes, un mandala hypnotique qui guide notre regard en spirale vers le centre, trou noir des commencements.

On peut y déchiffrer le secret de phénomènes biogéochimiques comme les grands mouvements de structuration, de démantèlement et de recyclage de la matière. Plus loin, des cellules fusionnent avec leurs voisines et dessinent les endosymbioses qui ont permis aux animaux, aux champignons et aux plantes de fabriquer leur énergie. En haut, on aperçoit la manière dont ils ont procédé pour façonner les climats, diffuser le dioxygène dans l’atmosphère, créer la couche d’ozone qui protège tous les êtres de la morsure des rayons ionisants. Ailleurs, on distingue l’invention de la fermentation si essentielle à notre alimentation. En bas, des lèvres s’entrouvrent sur le canyon utérin où l’embryon se développe grâce au placenta dont la recette est héritée des virus. À la sortie, des microbes enlacent le nouveau-né pour lui offrir un bain d’invincibilité et l’aider à monter à bord de ce corps qu’ils feront holobionte et couvriront de facultés primordiales, facilitant la digestion, augmentant les capacités d’immunité, procédant à l’anéantissement des pathogènes et tant d’autres bénédictions dont les principes s’ébauchent ici et là.

L’énigme de la vie se laisse peu à peu approcher à travers ce cosmogramme microbien. Mais plus on s’enfonce dans ce guide occulte, plus de nouveaux mystères apparaissent. Dans le livre de science-fiction “Le guide du voyageur intergalactique", la question ultime sur le sens de la vie offre la réponse 42 mais nul ne sait quelle était la question posée. À mesure que les microbes se laissent tourmenter par nos interrogatoires, ils offrent des éclats de réponses et toujours plus de questions.