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Dans les embouteillages

Clément Vuillier

Dans les embouteillages

Le microbe n’a pas la vie devant soi.

Il dispose d’une vingtaine de minutes seulement. Ou peut-être a-t-il l’éternité si on considère que les versions qu’il engendre en se démultipliant ne sont que des prolongements d’une seule et même vie. La colonie microbienne est tout à la fois un ensemble d’individus et une lignée provenant d’une seule et même cellule mère ramifiée à l’infini à travers chacune de ses copies.

Dans ce temps qui leur est imparti, la vie n’est pas un long fleuve tranquille pour les habitants du microcosme. Il leur faut se faufiler dans des mégalopoles microscopiques surpeuplées dont les reliefs s’étendent à perte de vue. Les microbes se meuvent dans une jungle inextricable. Les sempiternels embouteillages microscopiques font de chaque déplacement un parcours du combattant. Il leur faut tout à la fois se mettre en quête d’une proie tout en esquivant les adversaires prêts à les enlacer de leurs tentacules de lipides pour les phagocyter. Il faut aussi se méfier des micro-vortex et des signaux chimiques qui pourraient les faire glisser dans les bras de cellules aguicheuses aux cils vibratiles. Ces sirènes microscopiques pourraient les avaler tout crus avant de les dissoudre dans leurs cytoplasmes affamés. Au-delà des nuisibles, il faut se frayer un chemin dans les infrastructures moléculaires en cours de maintenance, avancer coûte que coûte dans la nasse de ses congénères et d’énergumènes en tout genre, particules élémentaires, spicules, grains de pollen, fragments de squelettes siliceux, débris calcaires et poussières agglomérées en pelotes qu’il faut repousser à l’infini à la manière de Sisyphe recommençant perpétuellement la même tâche.

Ce monde qui nous paraissait spacieux, ralenti et calme est en réalité touffu, ultra frénétique et bouillonnant d’interactions. Le sexe s’y pratique sans gêne à base de gènes, les naissances côtoient les mises à mort. Les cellules les moins regardantes engloutissent perpétuellement tout ce qui se digère et se dissout, et les plus dévouées recyclent tous les débris moléculaires qui peuvent encore servir et qui entravent le passage. Nulle aire de repos à proximité, et le sommeil ne tombe jamais sur les unicellulaires qui vivent leur vie comme une parenthèse flamboyante.

Ce dessin nous permet de surprendre les microbes dans leur intimité loin des clichés scientifiques. On s’écarte ici de l’image aseptisée du microscope qui isole son sujet sur une lamelle et lui donne l’occasion d’un seul en scène intimidant, bien loin de ses tourments quotidiens. Les représentations scientifiques ne sont pas forcément plus réalistes que ce dessin qui semble tout droit sorti d’une science-fiction. Car les microphotographies sont construites, cadrées, les microbes sont sortis de leur contexte, isolés pour être observés et la mise au point éclipse l’espace tridimensionnel pour le réduire à une fine strate. Ici, le microbe est dans son jus, aux prises avec le réel et on découvre toute la profondeur de champs de son milieu.

Ce dessin exige de nous l’impossible : tenter de nous mettre à la place d’un de ces microbes et l’accompagner dans cette chevauchée fantastique. Le monde microbien qui nous semblait si petit et exigu est en fait un Univers infiniment dense et riche de péripéties. Dans ce capharnaüm, les êtres microscopiques règnent eux aussi sur un monde fait de royaumes plus infimes encore. Ils ignorent qu’ils vont et viennent dans des mondes gigantesques comme le sont nos narines. Nous-mêmes habitons un Univers infini qui n’est peut-être qu’une virgule sous les ongles d’un géant.

220,00 €

Sérigraphie numérotée, édition limitée 100 ex Format : A2 (59,4 x 42 cm) Encre : indigo biosourcé PILI (pigment écologique issu de fermentation et chimie verte) Papier : 240g FSC®

Avec cette estampe, vous recevrez un certificat d'authenticité et le texte inspiré par l'œuvre ainsi qu'un lien vers sa version audio.

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