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Au commencement était le microbe.
Si les cosmogonies occidentales sont passées à côté de cette réalité, d’autres cultures semblent avoir touché du doigt ce monde insoupçonné. Mais aucune civilisation n’a réellement détecté la présence de ces ancêtres microscopiques et leur rôle primordial dans la création du monde.
Ce n’est pas facile de quitter son trône, surtout pour l’abandonner à des êtres microscopiques considérés comme des moins que rien. Après avoir admis que la Terre n’était pas au centre de l’Univers, l’humain a dû accepter qu’il n’était pas au sommet de la Création. Il lui faut désormais admettre que ses ancêtres, ceux à qui il doit la vie, sont de simples microbes. Ceux qui ont droit de vie et de mort sur nous, comme les dieux jadis, se tiennent retranchés dans l’invisible.
Et ce monde, par-delà les yeux, a été pressenti par les imaginaires animistes qui ne cloisonnent pas et ne hiérarchisent pas les êtres comme l’ont fait les ontologies naturalistes occidentales. Pour ces sociétés animistes, les êtres les plus infimes pouvaient être des ancêtres auxquels on devait le respect et les cycles de la vie brassaient et rebattaient les cartes d’univers foisonnants en interaction permanente. Cette manière de se représenter le monde, longtemps considérée comme mineure et fantasmagorique se trouve aujourd’hui beaucoup plus alignée avec les observations scientifiques. Que nos ancêtres soient des micro-organismes n’aurait donc rien d’étonnant pour ceux qui avaient depuis longtemps pressenti la possibilité de ces interdépendances et de ces filiations improbables.
La fresque de la vie doit donc être mise à jour avec la découverte de l’existence des microbes, de leur antériorité décisive et de leur hégémonie incontestable. Dans le sillage de l’art pariétal, ce dessin propose une grotte de Lascaux 2.0, revue et corrigée à l’aune des observations scientifiques et des conceptions animistes, dans une tentative désespérée de métisser des ontologies opposées en tout point. Il nous invite à découvrir une nouvelle Arche de Noé du vivant, inspirée par Le Temps du Rêve, songe fondateur des Aborigènes qui peuple le monde de phénomènes et de créatures originelles. Cette nouvelle représentation permet un décentrement, et esquisse une cosmogonie où les micro-organismes intègrent enfin le récit des origines. Ici, ils sont incarnés par un rond immense tel un astre solaire qui semble au principe de toute chose et à partir duquel se déroule toute une partition du vivant.
À proximité de l’astre microbien, on devine des molécules, des vésicules, des cellules qui se complexifient, s’associent, se dédoublent, et bientôt des êtres plus complexes, à pattes, à plumes, à fleurs, ondulant ou galopant dans ce théâtre d’ombres. Des chimères aux silhouettes extravagantes se glissent ici et là. Elles nous rappellent que certains êtres familiers sont tout aussi improbables : le mille-pattes, le baobab, la méduse, ne sont-ils pas des êtres surréalistes ? Nous oublions de nous étonner de toutes les délicieuses bizarreries de la vie. Les chimères qui nous font sourire sont peut-être simplement des combinaisons inédites de vivants dont nous avons perdu la trace. Ou bien des êtres qui n’ont pas trouvé asile dans une niche écologique. Ou encore des métamorphoses à venir, dans l’immense loterie de la vie.
Ici, le royaume des microbes prend sa part, et c’est une part énorme jamais interrompue qui s’étend sur 3,8 milliards d’années. Aux extrémités, on retrouve des formes très simples qui rappellent l’astre microbien : l’évolution n’est pas linéaire, les êtres archaïques rudimentaires ne deviennent pas forcément au fil du temps des êtres élaborés comme dans un aboutissement. Les unicellulaires continuent coûte que coûte leur tour du monde en solitaire ou en symbioses avec les autres espèces, défrichant sans cesse de nouveaux horizons. Les microbes qui étaient là dès les origines, sont bien présents sur la ligne d’arrivée comme dans un conte cyclique où la fin reboucle avec le commencement.
Sérigraphie numérotée, édition limitée 100 ex Format : A2 (59,4 x 42 cm) Encre : indigo biosourcé PILI (pigment écologique issu de fermentation et chimie verte) Papier : 240g FSC®
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