Gloire Aux Microbes

Ils étaient là avant nous et seront là après nous.

Ils ont été les pionniers de la vie sur Terre et sont d’ores et déjà des voyageurs interstellaires sans pareil. Les microbes ont ça dans le sang. Ce sont des explorateurs intrépides. Du globe terrestre, ils connaissent par cœur les reliefs, les profondeurs, les pièges et les oasis. Ils ont visité, colonisé et se sont adaptés aux moindres recoins qu’ils ont réaménagés à leur goût, dressant le camp dans les endroits les plus insolites et les plus inhospitaliers.

L’Espace que nous convoitons est invivable pour nous autres, humains. Nous avons ce fantasme mortifère de pouvoir nous y réfugier lorsque La Terre sera devenue un brasier irrespirable, comme une issue de secours qui débouche en réalité sur un monde plus hostile encore. Les microbes sont admiratifs de tous les efforts déployés par les humains qui se donnent un mal fou pour aller dans l’Espace et sont incapables de s’y maintenir. Eux sont depuis bien longtemps coutumiers de ces sorties extra-terrestres. Ils montent gratuitement à bord de nos vols spatiaux, sans entraînement ni scaphandre. Ils n’y sont pas conviés et du reste tout est fait pour aseptiser les expéditions afin d’éviter toute contamination du reste de l’Univers. Mais c’est sans compter sur les ressorts du monde microbien. Non contents de survivre à l’hygiène drastique qui règne dans les salles blanches des missions spatiales, les micro-organismes ont trouvé le moyen de se nourrir de ce qui était censé les tuer.

Le microbe est Nietzschéen. Ce qui ne le tue pas le rend plus fort.

Le dessin nous plonge dans un paysage désertique où se dressent ici et là quelques bâtisses qu’on devine enlisées dans les sables. Est-ce un village fantôme ou un abri de fortune pour les survivants des mondes à venir ? L’humanité habite-t-elle toujours sur Terre, a-t-elle disparu ou s’en est-elle allée ? La vie n’a quoiqu’il en soit pas dit son dernier mot. Les microbes ne capitulent jamais. N’est-ce pas eux que l’on voit plus haut dans cette immense planète qui flotte au-dessus de la Terre ? Ce hublot nous offre une double perspective : une vue microscopique sur une colonie microbienne mais aussi une observation astronomique pointée sur une pluie d’astéroïdes, chevauchée par une infanterie microbienne à la conquête de l’Espace. C’est en tout cas une invitation à regarder les microbes autant que le ciel, à pratiquer ce double regard qui nous fait toucher des yeux deux infinis, l’infiniment lointain et l’infiniment petit.

Quoiqu’il en soit, les microbes sont déjà dans l’Espace. Ces autostoppeurs du cosmos finiront certainement par produire des lignées capables de survivre et de s’adapter aux excentricités de l’Univers. Ils sont plus résistants et plus à même de se métamorphoser pour engendrer à nouveau toute une biodiversité affolante de beauté et d’étrangeté. Car la vie résiste et s’adapte à tout, malgré le vide, les températures insensées et toutes les menaces qui y règnent.

Nous n’avons aucun moyen de savoir si les humains survivront au cours des prochains millénaires, mais les microbes, eux, seront là. Des catastrophes, ils en ont déjà vues, provoquées, traversées, et toujours surmontées. Ils n’ont besoin d’aucun stage de survivalisme et d’aucun entraînement pour continuer à faire face aux cataclysmes récurrents et à ceux que les humains ajoutent à la liste des péripéties terrestres naturelles. À nous de nous équiper pour rester sur Terre et faire le plus grand voyage qui soit sur cette planète prodigieuse que nous croyions si bien connaître, guidés par les maîtres des lieux qui ne sont autres que les microbes.

À tous les transhumanistes qui ont abandonné l’idée que l’humanité survivrait dans son enveloppe charnelle et qui s’empressent de numériser ce qui ne peut l’être, le microbe oppose une force tranquille et la promesse jamais désavouée de l’immortalité.